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Les deux types de solidarité sociale et leur impact sur la cohésion sociale

La solidarité ne se manifeste pas de la même façon dans toutes les sociétés. Les mécanismes qui relient les individus varient en fonction des structures sociales et des contextes historiques. Certaines formes d’entraide favorisent l’intégration, d’autres accentuent les différences ou renforcent les hiérarchies.

Des tensions apparaissent lorsque ces formes de solidarité coexistent ou s’opposent, notamment dans les sociétés en mutation. Comprendre ces dynamiques permet de mieux saisir les enjeux actuels autour de la cohésion collective et des transformations sociales.

Les liens sociaux au cœur des sociétés modernes : comprendre leur importance

Dans les sociétés contemporaines, les liens sociaux s’entrecroisent, se multiplient, se réinventent. La multiplication des échanges, l’éclatement des groupes sociaux, la montée de l’individualisme : chaque mouvement vient bousculer la cohésion sociale. Un socle commun subsiste pourtant, porté par la persistance de normes et de valeurs qui assurent à chacun sa place dans l’ensemble. Mais cet équilibre ne se joue plus seulement dans la sphère familiale ou l’association de quartier. Les collectifs citoyens, les associations, les réseaux professionnels, tous participent aujourd’hui à tisser et retisser ce tissu collectif.

Dans ce contexte, l’irruption des réseaux sociaux numériques vient bouleverser la donne. Ils ouvrent la voie à des groupes sociaux inédits, parfois très éphémères, souvent transversaux. Résultat : l’éventail des relations s’élargit, mais le risque de morcellement grandit. L’individualisme s’infiltre, fragilise les solidarités d’hier, complique la construction d’un terrain commun.

C’est là que le travail social prend tout son sens. Son objectif : renouer les fils distendus, favoriser l’intégration, endiguer l’exclusion et combattre les inégalités sociales. Les politiques sociales viennent en appui, protégeant les plus vulnérables et cherchant à rééquilibrer les rapports entre individus et groupes. Malgré ces efforts, la cohésion sociale demeure fragile. Elle s’appuie sur un équilibre constamment menacé entre la diversité des identités et la puissance des valeurs partagées. Dès que la fragmentation prend le dessus, le lien social s’effrite, imposant une attention renouvelée sur les ressorts de la solidarité.

Solidarité mécanique et solidarité organique : comment distinguer ces deux formes et pourquoi sont-elles essentielles ?

Émile Durkheim a ouvert la voie à une compréhension fine de la solidarité sociale, en dégageant deux formes majeures. D’abord, la solidarité mécanique, typique des sociétés traditionnelles. Elle s’appuie sur la ressemblance : peu de division du travail, des valeurs communes, une vision homogène du monde. Les membres partagent les mêmes pratiques, s’inscrivent dans une identité collective forte et se reconnaissent dans un même imaginaire.

Puis vient le temps de la solidarité organique. Sa spécificité : la montée de la division du travail, qui caractérise les sociétés modernes. Ici, la cohésion naît de la complémentarité : chacun dépend des compétences et des fonctions des autres. L’unité ne résulte plus de la similitude, mais de l’interdépendance. La reconnaissance de la diversité, la coopération entre des parcours variés, deviennent les nouveaux piliers d’un vivre-ensemble repensé.

Durkheim l’affirme : passer d’un modèle mécanique à un modèle organique transforme en profondeur la structure sociale. La division du travail devient le moteur de l’intégration, mais cette dynamique n’est pas sans danger. Une spécialisation poussée à l’extrême, non régulée, débouche sur l’anomie : les repères communs se brouillent, la cohésion sociale vacille.

Mains passant des blocs pour construire une petite maison en intérieur lumineux

L’impact de la solidarité sur la cohésion sociale : enjeux et perspectives pour aujourd’hui

Bâtir la cohésion sociale relève d’un travail patient, jamais achevé. La solidarité sociale en est le fil conducteur, qu’elle s’exprime dans la continuité des appartenances anciennes ou dans l’interdépendance, signature des sociétés modernes. Ces deux formes ne s’opposent pas : l’une facilite l’intégration par le partage, l’autre par la différenciation et la complémentarité dans la division du travail.

Pour mieux cerner l’impact de ces mutations, voici les principales évolutions qui redéfinissent le socle collectif :

  • La progression de l’individualisme, qui questionne la force du lien social et la capacité à faire société
  • La transformation des appartenances sous l’effet des réseaux sociaux, bouleversant les repères et les formes d’identification
  • La place toujours centrale des groupes traditionnels (famille, associations, collectifs), même si d’autres modes d’entraide ou de protection sociale émergent
  • Le rôle structurant de la division du travail, moteur d’intégration dès lors qu’une régulation évite l’anomie et le relâchement des règles collectives

La capacité à partager des normes et des valeurs reste déterminante. Elle exige de mobiliser le travail social, d’ajuster les politiques sociales pour répondre aux inégalités ou aux discriminations qui minent l’intégration. Les défenseurs du marché et de l’intérêt individuel, à l’image des économistes libéraux, négligent trop souvent cette dimension collective. Durkheim, lui, rappelle combien l’équilibre collectif s’impose. Les sociétés avancent sur une ligne étroite : préserver un socle d’intégration sans renoncer à la diversité, accompagner la mobilité sans perdre la cohésion.

C’est là que tout se joue : entre appartenance et différenciation, la société se construit à la croisée de solidarités héritées et de liens réinventés. Si la cohésion sociale n’est jamais acquise, elle demeure le chantier vivant de toute démocratie.