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L’arrêt de Cora : les raisons de la disparition de la marque

1 800 emplois rayés d’un trait de plume, une enseigne vieille de plus de cinquante ans effacée du paysage belge : le 17 mai 2024, la fermeture des hypermarchés Cora en Belgique n’a laissé place à aucun doute. Cette annonce, faite dans la foulée du rachat par le groupe Carrefour, a déstabilisé un secteur déjà secoué par la concurrence et les mutations des habitudes de consommation. Les syndicats montent au créneau, inquiets pour l’avenir de milliers de familles et d’un modèle commercial qui semblait, hier encore, intouchable.

Cora en Belgique : une enseigne emblématique face à la transformation du secteur

Née en 1969, Cora s’est rapidement taillée une place de choix dans la grande distribution belge. Filiale du groupe Louis Delhaize, la marque a longtemps incarné l’hypermarché à la française : espace immense, large sélection, tout sous le même toit et promesse de prix cassés. Les sept magasins Cora, principalement implantés en Wallonie et à Bruxelles, faisaient figure d’institutions locales, lieux de rendez-vous hebdomadaires pour remplir le caddie familial.

Mais ce modèle, si puissant dans les années 1980, n’a pas résisté à la vague de la digitalisation et à l’essor du commerce en ligne. Les consommateurs ont changé de cap : ils cherchent la rapidité, la proximité, des circuits plus courts et des offres personnalisées. Le hard-discount et les petits commerces de quartier ont pris le relais, tandis que l’hypermarché, avec sa lourdeur logistique, peine à suivre le rythme d’un marché devenu plus fragmenté et volatil.

Face à cette transformation, Louis Delhaize a tenté plusieurs manœuvres : rénover les magasins, ajuster l’offre, multiplier les stratégies de fidélisation. Mais aucun de ces efforts n’a su recréer la dynamique d’antan. L’absence d’une vision internationale et l’intensification de la concurrence, venue aussi bien de géants comme Carrefour que d’acteurs locaux tels que Colruyt ou Delhaize, ont fini d’isoler la marque.

Sous la pression constante sur les ventes, la structure a craqué. L’annonce de la fermeture des magasins Cora début 2026 met un terme à une histoire qui n’a pas su se réinventer, dans un secteur où l’immobilisme coûte cher.

Quelles raisons ont conduit à la disparition des hypermarchés Cora ?

La disparition de Cora n’est pas un accident, mais le résultat d’un engrenage bien réel. Le modèle de l’hypermarché familial, jadis tout-puissant, a été mis à mal par la digitalisation du secteur et l’évolution des comportements d’achat. Désormais, la clientèle privilégie la praticité du commerce de proximité, les prix bas du hard-discount et la facilité du e-commerce. Face à des concurrents plus souples et réactifs, Cora a vu ses parts de marché dégringoler.

La compétition sur les prix n’a laissé aucun répit. Sur le marché belge, Colruyt et Delhaize ont imposé des tarifs auxquels les structures lourdes de Cora ne pouvaient pas s’adapter. Malgré plusieurs tentatives de restructuration par le groupe Louis Delhaize, la marque n’a pas réussi à inverser la vapeur. Un manque d’innovation, une organisation rigide et l’absence de stratégie au-delà des frontières belges ont précipité le déclin.

L’impact social est considérable. Près de 1 800 travailleurs se retrouvent concernés par un licenciement collectif, la fermeture des sept magasins étant programmée pour début 2026. Les galeries commerciales attenantes passeront entre les mains de Mitiska REM. Parallèlement, d’autres enseignes du groupe, comme Match, Smatch et Deli Traiteur, ont déjà été cédées à Colruyt et Louis Delhaize à Delhaize.

La marque a également dû composer avec un litige juridique sur la propriété de son nom, tranché en dernier ressort par la Cour de cassation. Cette situation met en lumière la difficulté pour une enseigne à la stratégie figée de tenir la distance, dans une grande distribution belge où l’agilité fait désormais loi.

Rayons vides avec un seul produit Cora et lumière naturelle évoquant la nostalgie

Salariés, clients, concurrence : les répercussions concrètes de la fermeture

La fermeture des hypermarchés Cora en Belgique frappe de plein fouet près de 1 800 salariés. À La Louvière, Hornu, Chatelineau, Rocourt, Woluwe, Anderlecht, Messancy et sur le site logistique d’Heppignies, l’annonce a été vécue comme un séisme. Les syndicats SETCa, CNE et CGSLB dénoncent une onde de choc sociale d’ampleur. Pour de nombreuses familles, l’avenir s’annonce incertain, dans des régions déjà marquées par la fragilité du marché de l’emploi.

Du côté des clients, la disparition de Cora change la donne. Ceux qui avaient fait de l’enseigne leur adresse privilégiée pour les courses hebdomadaires devront modifier leurs repères. Les alternatives, Colruyt, Delhaize, Carrefour, Leclerc, existent, mais la perte d’un acteur historique réduit la diversité de l’offre, notamment pour le drive ou la livraison à domicile.

Dans ce contexte, la concurrence rebat ses cartes. Les grandes surfaces accélèrent leur développement sur la proximité, le numérique, ou les formats spécialisés. Le rachat des galeries commerciales par Mitiska REM annonce déjà l’arrivée de concepts plus flexibles, mieux adaptés aux envies actuelles. La grande distribution belge se restructure, avec toujours moins d’acteurs, et le risque d’un marché moins ouvert.

Sur les parkings vides des anciens Cora, il restera bien plus que des caddies abandonnés : c’est tout un chapitre du commerce belge qui se referme, et personne ne sait encore quel visage prendra le suivant.